[Organologie] La Harpe

"La harpe est un instrument d'autant plus libéral que ses cordes sont d'inégale longueur et qu'elles peuvent donc être d'égale tension." Aristote


I) HISTORIQUE DE LA HARPE

La harpe est l'un des instruments de musique les plus anciens avec la flûte, puisque les premiers vestiges datent d'environ 3500 ans avant J. Christ, et des iconographies datant de l'Égypte ancienne représentaient déjà des esclaves jouant de la harpe. Elle fait partie de la famille des cordophones, à cordes pincées.



Elle s'est ensuite répandue dans le monde entier, et fut un instrument de célébration universel. En Europe, elle se distingue particulièrement en Écosse et en Irlande au neuvième siècle, où elle prit sa forme actuelle : un instrument asymétrique (au contraire de la lyre, qui possède des cordes fixées entre deux anses symétriques). Durant l'époque médiévale, elle resta un instrument utilisant la gamme diatonique, c'est-à-dire une gamme évoluant avec 5 tons et 2 demi tons, l'exemple type étant la gamme de do majeur.

II) FACTURE DE LA HARPE

De manière simple, la harpe est divisée trois parties puisqu'elle est de forme triangulaire : une console où se situent les chevilles, permettant de tendre les notes de la harpe ; une caisse de résonance où les sons sont amplifiés, et une colonne, grande pièce verticale supportant la tension des cordes. Il faut noter la présence d'une cuvette, qui rassemble la colonne et la caisse de résonance (il s'agit donc d'une pièce intermédiaire) et sur laquelle se trouve le pied qui supporte le poids de la harpe.



1) HARPE CLASSIQUE

A partir de 1697, un luthier bavarois, Hochbrücker, inventa un mécanisme à pédale permettant de faire des modulations et ainsi de rendre l'instrument plus perfectionné, ce qui permettra la création de la harpe diatonique, ou harpe à pédales, qui est celle utilisée dans les orchestres symphoniques. Cette harpe particulière possède 40 à 46 cordes pour les harpes d'études, 47 pour les harpes de concert. Les cordes sont, du plus grave au plus aigu, en métal, en boyau et en nylon. Elle possède en outre sept pédales, où chaque pédale correspond à une des sept notes de la gamme (pédale de Do, pédale de Ré…) et chaque pédale dispose de trois positions verrouillées : en haut, en bas et au milieu, lorsque les sept pédales sont en position médiane, les 47 cordes correspondent aux notes de la gamme de do, et pour changer de tonalité, on verrouille les pédales correspondant aux altérations de la tonalité souhaitée.
De la harpe diatonique découle par concurrence une harpe chromatique, ou à l'inverse les pédales sont inexistantes et se présente un système de double corde (une corde pour les bécarres, une corde pour les bémols et les dièses). La firme Pleyel, afin de valoriser au mieux les possibilités harmoniques de cet instrument, commanda à Claude Debussy les Danses sacrées et profanes pour harpe chromatique et cordes. Il faut cependant souligner qu'une harpe diatonique peut jouer un morceau d'harpe chromatique, avec cependant un jeu de pédale qui peut élever la difficulté de certains morceaux.
Enfin, pour que les harpistes aient des repères sur l'instrument, les cordes de do sont colorées en rouge, et les cordes de fa sont colorées en bleu.

2) LA HARPE CELTIQUE

Plus petite que son homologue, elle est très répandue en Irlande, en Ecosse, au Pays de Galles et en Bretagne. Elle est utilisée pour accompagner la musique celtique. Elle ne possède que 32 à 38 cordes, et utilise un système de taquets, sorte de leviers disposés près des parties supérieures de chaque corde, permettant de modifier la hauteur des notes pour jouer les altérations. Instrument mondialement connu, elle est le symbole de l'Irlande.



III) LA HARPE DANS L'HISTOIRE DE L'ART

La harpe est un instrument symbolique, qui n'a pas que la musique comme seule représentation : en effet, la harpe est associé depuis la Renaissance aux chants des anges et a une symbolique divine, tout comme la lyre avait une représentation divine dans la mythologie grecque (on parle de création du dieu Hermès, qu'il créa à partir d'une carapace de tortue, de roseaux et d'une peau de bœuf ; il transféra cet instrument au Dieu Apollon).


Gustav Jager, personnification de la poésie et de l'histoire, château de la résidence weimar

Dans la mythologie celtique, la harpe était porté par le Dieu Dagda, qui était le dieu des musiciens et possédait une harpe magique, qui pouvait reproduire et jouer n'importe quelle musique sans que le Dieu n'en donna l'ordre.




L'origine de cette symbolique est d'origine naturelle : les cordes en boyaux produisent un son rond, puissant et doux, presque pur, et les plus pieux auditeurs semblaient entendre la voix de Dieu lors des concerts. La harpe est également un symbole de grâce, de bon goût, mais aussi de fortune et d'élégance. De nombreux poètes, et en particulier Lamartine, ne tarissaient pas d'éloges sur cet instrument.

Son front est couronné de palmes et d’étoiles ;
Son regard immortel, que rien ne peut ternir,
Traversant tous les temps, soulevant tous les voiles,
Réveille le passé, plonge dans l’avenir !
Du monde sous ses yeux les fastes se déroulent,
Les siècles à ses pieds comme un torrent s’écoulent ;
A son gré descendant ou remontant leurs cours,
Elle sonne aux tombeaux l’heure, l’heure fatale,
Ou sur la lyre virginale
Chante au monde vieilli ce jour, père des jours !
Mais la harpe a frémi sous les doigts d’Isaïe ;
De son sein bouillonnant la menace à longs flots
S’échappe ; un Dieu l’appelle, il s’élance, il s’écrie :
Cieux et terre, écoutez ! silence au fils d’Amos !

Alphonse de Lamartine, La Poésie Sacrée, Méditations poétiques


IV) ŒUVRES, COMPOSITEURS ET INTERPRÈTES

Du fait de sa possibilité d'exécution à deux mains, les morceaux pour harpe seule sont peu connus et peu nombreux, les principaux morceaux que l'on peut entendre sont des arrangements d'œuvres pour piano telles que la lettre à Élise de Beethoven, les arabesques de Debussy ou encore la consolation 3 de Franz Liszt. Néanmoins, quelques compositeurs comme Marcel Tournier (avec son étude de concert au matin), éminent harpiste français, composèrent des pièces pour harpe solo, des sonates avec Paul Hindemith, des musiques de chambre (citons Debussy, avec Musique pour Chansons de Bilitis pour deux flutes, deux harpes et celesta) voire des concertos, dont le plus connu est celui de Wolfgang Amadeus Mozart avec son concerto pour harpe et flûte, avec son deuxième mouvement Andantino devenu très célèbre pour la beauté de ses mélodies. On peut citer également la Valse des Fleurs, du ballet Casse Noisette, ou encore dans Schéhérazade de Nikolaï Rimski-Korsakov.
Pour les harpistes célèbres, nous pouvons signaler celle de sylvain brassel, dominique Bouchaud ou encore Xavier de Maistre.

Consolation n°3, LIszt

Valse des Fleurs, Tchaïkovsky







"Sa harpe, à l'ombre de la tombe,
Soupirait comme une colombe."
Alphonse de Lamartine, Le Passé, Nouvelles méditations poétiques

Sujet superbe, d'autant que la harpe figure parmi mes instruments favoris ! Très complet, je pense qu'il faudra que je le relise pour bien tout comprendre. Merci !

En fait il s'agit d'un exposé que je vais faire mercredi de la semaine prochaine en organologie, et qui est normalement noté. Je voulais vous faire profiter d'une expérience assez marquante puisque je ne connaissais absolument pas la facture de la harpe et c'est véritablement un bonheur d'écouter cet instrument...